Le ciel est bleu. Le feu brûle. L'eau mouille. Voilà, parmi tant d'autres,  quelques assertions qui semblent des évidences. Et pourtant… un ciel  bleu peut être vu autrement par des personnes ayant un trouble de la  vision des couleurs. Pour de nombreux jeunes enfants, le caractère brûlant  du feu n'est compris qu'après une première expéri ence cuisante. Et si  l'eau mouille la peau des humains, elle ne mouille pas le plumage de  certains oiseaux.
L'évidence n'est ni universelle ni intemporelle. Elle dépend notamment  des cultures, des savoirs et de leur évolution au cours du temps. Elle  dépend aussi de l'organisation des sociétés, des principes partagés par  des groupes de personnes, voire des convictions individuelles. Par exemple,  le courage et la détermination de certaines femmes ont conduit à faire  du droit à l'avortement une évidence pour beaucoup, en France et dans  d'autres pays. Mais en 2025, pour certaines personnes et selon la législation de certains États, l'évidence reste l'interdiction de l'avortement.
Dans de nombreux domaines de la santé, en particulier dans  la relation  entre soignant et patient, la question de ce qui constitue une évidence  pour les uns et pour les autres se pose souvent.
Par exemple, une situation clinique peut apparaître comme évidente  à un soignant. Mais, même décrite avec des mots simples, sans jargon ni  acronyme, elle ne revêt pas toujours la même signification pour le patient  concerné. Parce que parfois les mots employés sont mal compris. Ou  parce que l'émotion du moment brouille la réception de l'information, et  entrave une décision de soins partagée et rationnelle.
La balance  bénéfices-risques d'un traitement peut apparaître comme  évidemment favorable en écoutant la parole d'un expert sous l'influence  de firmes, ou au contraire très incertaine pour un soignant informé de  l'absence d'évaluation solide de ce traitement.
Le précepte selon lequel “mieux vaut prévenir que guérir” a conduit  beaucoup de personnes de bonne volonté à l'évidence de l'intérêt de  nombreux dépistages. Sauf qu'à y regarder de plus près, les preuves d'un  avantage pour les patients peuvent manquer, ou sont très fragiles face  au poids des risques et inconvénients.
Ainsi, quand un choix nous paraît évident, mieux vaut se rendre à  l'évidence : l'évidence n'est pas toujours une évidence !
Compétence 4 
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 "Évidences(s)"
"Évidences(s)" 
Competence 4 • 2025 ; 8 (93) : 259. > Pdf (accès libre)
 
©Compétence 4 • Septembre 2025